J’entrerai en dialogue avec Dalie Giroux à partir de son livre L’oeil du maître puis j’ouvrirai l’espace pour les différentes interventions des participant.e.s. Cette entrevue sera radiodiffusée à l’émission En Profondeur sur CKUT 90.3fm/ckut.ca le lundi 5 avril entre 17h et 18h
L’œil du maître. Figures de l’imaginaire colonial québécois
Dalie Giroux Avec photos d’archives familiales de l’auteure L’œil du maître interroge le mythe du maître chez nous qui définit les luttes souverainistes au Québec, la relation au territoire et aux Premières Nations. Contre la conquête, la domination, la surveil-lance, Dalie Giroux revendique une autre idée de l’indépendance, à rebours de la violence fondatrice de l’État. Elle évoque le rendez-vous manqué avec un passé-futur décolonial du Québec et la possibilité d’une chaîne de solidarités qui mobiliseraient les forces vives de la pensée autochtone, des luttes antiracistes, écologiques et féministes afin d’habiter ensemble le territoire. Autrement. Ici. Maintenant. Extrait La tâche décoloniale locale serait de rassembler les moyens symboliques et matériels pour déserter la domus de Champlain, sortir de la maison du maître, cesser de dire que nous sommes « hydro-québécois » , détraquer la machine de capture impériale. Née à Lévis, Dalie Giroux, essayiste, renouvelle la tradition pamphlétaire québécoise. Elle enseigne les théories politiques et féministes à l’Université d’Ottawa. Elle a publié chez Mémoire d’encrier Parler en Amérique. Oralité, colonialisme, territoire en 2019.
Le Collectif Mashk
Assi et l’émission En Profondeur sur CKUT s’unissent pour vous
présenter cette soirée conférence-discussion sur les enjeux
décoloniaux, antiracistes et environnementaux.
Le collectif Mashk
Assi a été crée par des chasseurs-cueilleurs Ilnuatsh et
Peskotomuhkati (passamaquody)
pour soutenir les
luttes au front des premiers peuples et Appliqué les souveraineté
ancestrale du peuples Ilnuatsh et autres Autochtones. Plusieurs
groupes autochtones se joignent au mouvement dont le regroupement des
chasseurs-cueilleurs Ilnuatsh. Depuis des temps immémoriaux nous
occupons turtle island et maintenons un lien sacré avec la terre et
l’univers une relation d’équilibre de respect et de partage. Notre
rôle est de protéger la terre, l’eau, la vie, les plantes etc. Pour
les générations futures.
Le peuple premier
Innuat est présent sur le grand Tshitassinu depuis des temps
immémoriaux, jamais le Nitassinan n’a été cédé. Notre rôle en
tant que Innuat est de protéger cette terre ancestrale pour les
générations futures. Les Innuat se sont toujours organisé
autodéterminé sur le Nitassinan, ce principe ancestral se nomme
(ilnu utapelitamun) et ce avant des structures étatiques
gouvernementales coloniales (conseil de bande) etc. Nous sommes un
peuple distinct de par note culture et langue, nous détenons
toujours notre souveraineté ancestrale, l’Innu tipenitamun. Tous les
grands projets économiques signés par les gouvernes étatiques sont
illégaux nous ne les reconnaissons pas. Les conseils de bande
représentent l’entité fédérale ils ont pour rôle l’assimilation.
Ils n’ont aucune juridiction sur les territoires ancestraux occupés
depuis des millénaires par les familles ilnuatsh.
CKUT est une station
de radio universitaire sans but lucratif située sur le campus de
l’université McGill. CKUT diffuse de la musique alternative, des
nouvelles, du spoken word à l’ensemble de la communauté
montréalaise et ses environs, 24 heures par jour et 365 jours par
année. Écoutez-nous sur 90.3 MHz sur la bande FM, au 91.7 par
câble, ou encore trouvez-nous en ligne. CKUT est le produit de 200
bénévoles travaillant main dans la main avec les coordinateurs,
afin de produire une programmation créative et pertinente, mais
aussi de gérer la station. La station fonctionne sur un système de
gestion collective qui inclut les bénévoles dans les prises de
décisions.
Wade Crawford (aka the Duckman), an indigenous warrior from 6 Nations, talking about his participation to the so-called “Oka Crisis” and to other native struggles. He’s also talking about how much he was proud of her daughter Jade (who died recently) and the new generations who was and are continuing the fight.
with Freedom by Rage Against the Machine (as choose by Wade)
Ceci est un extrait d’une entrevue originalement plus longue avec
l’auteur et résistant Pierrot Ross-Tremblay, Essipiunnu (Innu Essipit).
Il a publié récemment le livre «Thou Shalt Forget : Indigenous
Sovereignty, Resistance and the Production of Cultural Oblivion»1. Cette entrevue a été réalisée avec l’aide de «Ni Québec, ni Canada: projet anticolonial»2.
Cet
article est la réponse de l’auteur à la question suivante :
Comment entrevoyez-vous les pistes
d’actions qui permettent à la fois d’articuler collectivement
pour les Premiers Peuples la revalidation de vos souverainetés
ancestrales, de bâtir un mouvement commun qui nous unisse, et de
protéger les territoires ?
D’abord,
il est fondamental que les récits de nos résistances soient connus,
que nos traditions intellectuelles porteuses de nos conceptions
soient largement rétablies comme points de référence valable pour
penser le présent, garder vivace la vision et l’esprit
révolutionnaire d’une manière d’être au monde et d’interagir
avec le vivant. Les personnes maîtrisant nos langues, nos savoirs,
en particulier les Aînées, et surtout les grands-mères, doivent
reprendre une place centrale dans les espaces décisionnels. On ne
peut plus se priver de leurs savoirs, conscience, souci éthique,
vision intergénérationnelle et intelligence politique, de leur sens
de la santé et de la justice. Les bureaucrates, les experts en
communication, les comptables, les avocats surtout, se sont largement
substitués à l’indispensable parole des Aînés; cette
accaparation du pouvoir a eu des conséquences éthiques profondes
dont nous saisissons mieux l’ampleur aujourd’hui. Cela a eu un
impact en particulier sur notre conscience de nos relations avec le
vivant, et des sources réelles de nos lois et souverainetés
ancestrales. La marginalisation de nos modes décisionnels ancestraux
par des «représentants» fondant leur autorité sur des structures
coloniales a aussi engendré une certaine cécité des nôtres quant
à l’impératif d’une résistance permanente à l’occupation.
Ces usurpations sont alimentées par des pulsions d’accumulation
matérielle à tout prix, fantasmes d’être aimé et reconnu par la
société et les institutions coloniales, par peur d’être
identifié comme trop critiques ou radicaux, etc.
Ensuite,
il faut continuer à ouvrir des espaces et cercles comme nous l’avons
fait ces dernières années, à l’extérieur des instances du
pouvoir colonial, notamment à l’extérieur de la structure
exogène3
du conseil de bande. Ces lieux où les gens se rencontrent,
réfléchissent ensemble aux besoins communs et transforment ces
savoirs communément produits en actions concrètes. Actions qui
donnent un corps à nos visions communes, qui dirigent et propulsent
consensuellement notre grand canot. Qui peut le faire à notre place
? La recherche génère ces instances de libération où tous peuvent
également parler et libérer leur récit et esprit, et où une
intelligence collective est générée, ou un nouveau récit se
matérialise, et surtout où on trouve des solutions concrètes à
nos défis communs. Seules des solidarités denses et effectives vont
matérialiser nos visions communes. Il est particulièrement critique
que les gens ayant été victimes d’abus de toutes sortes, dont les
abus de pouvoir, puissent se raconter. Ils savent mieux que quiconque
dire si une autorité est légitime ou pas. Il est vital d’accéder
à l’intelligence des femmes sur le sujet. On a un ménage à faire
dans notre maison, surtout chez les hommes, et il y a beaucoup de
choses à sortir et à guérir : Pour retrouver un vrai sens de
la justice et une puissance intérieure optimale, pour retrouver
l’esprit de famille et la force irrépréhensible d’un mouvement
indigéniste et collectif, il faut se décoloniser de l’intérieur
et psychologiquement.
En ce qui concerne
la communalité de nos initiatives, les forces révolutionnaires
autochtones, allochtones et aussi internationales doivent
inévitablement confluer et s’unir en vue d’en arriver à une
transformation effective, pour une libération réelle des griffes
coloniales mortifères, et pour une transition autant épistémologique
que politique et écologique. L’idée de domination de la nature et
des humains par les humains n’est plus tenable. La défense d’Assi
(Terre), nos obligations envers les générations futures et la
dignité humaine sont des engagements transversaux qui résonnent
profondément en nous tous. Vous comprendrez qu’étant des
microgroupes contraints de vivre dans des conditions souvent
exécrables, il ne faut pas nous mettre la responsabilité de
transformer toute la société coloniale et d’apporter des remèdes
à tous les maux de votre société. Ce serait injuste et écrasant.
Mais ce que les Premiers Peuples peuvent apporter, je pense, c’est
une vision ancienne, profonde et viable, une direction pour un
véritable plan de transition avec le moins de heurts possible. Il
est temps de recycler ce qui peut l’être, de réorienter le navire
en vue de concrétiser des visions trop longtemps gardées sous
silence et enfin permettre la naissance de nouveaux designs, non
conçus pour dominer et anéantir, mais pour nourrir et rendre plus
forts, plus dignes. Nos approches sont ancrées dans des cosmogonies4
et des sciences d’une richesse insoupçonnée ainsi que foisonnante
de philosophies et d’éthiques, faisant l’apologie de l’humilité,
du respect, de la frugalité, de l’impératif de l’entraide, de
la valeur du consentement et du consensus. Des remèdes aux postures
non-viables nous ayant été imposées depuis plus de 4 siècles.
Puissions-nous accéder à ces perspectives moins matérialistes et
nourrir un monde post-anthropocentrique, post-misogyne, à l’esprit
trans-générationnel et cosmopolitique.
Notre espèce est devant un choix vital. Les
gens qui nous entourent demeurent ceux avec qui nous ferons
concrètement la nouvelle révolution; un changement inédit de
posture face à la Terre et à nous-mêmes comme humains. Pour
optimiser la confluence, il faut adresser deux critiques
fondamentales que les penseurs autochtones ont tendance à faire aux
mouvements révolutionnaires : leur «urbanité» et leur
nihilisme ou vision réduite de la vie. Or, la complémentarité dans
nos approches et la responsabilité relationnelle sont clés. Nous
sommes devant des choix inévitables en tant qu’êtres humains.
Mais pour de
plus en plus d’entre nous, et surtout chez la génération
montante, le choix est déjà fait. Et il n’y a plus beaucoup
d’options pour permettre aux générations qui viennent d’exister.
1
Pierrot
Ross-Tremblay, Thou
Shalt Forget : Indigenous Sovereignty, Resistance and the Production
of Cultural Oblivion,
University of London Press (2019).
2
Une entrevue
plus longue sera accessible sous peu au site web à l’adresse
suivante : niquebecnicanada.anarkhia.org
3
Exogène est l’opposé
d’endogène; une structure exogène est imposée par un pouvoir
extérieur.
4 Une cosmogonie est une théorie expliquant l’origine de la vie et de l’univers.
Liens vers les chansons qui ont été jouées dans cette émission